Décryptage : pourquoi la Russie envahit-elle l’Ukraine ?

©liinformateur.net – Lomé, 25 février 2022, 10h30 – Trois (3) mois que l’Ukraine entendait les bottes russes à ses portes. Elle les voit désormais marcher à l’intérieur de ses frontières. Les troupes de Vladimir Poutine ont percé au nord, à l’est et au sud du pays. L’invasion est massive, soutenue par des bombardements sur plusieurs villes ukrainiennes (dont la capitale du pays, Kiev) et pas seulement dans les deux républiques séparatistes de Donetsk et Louhansk.

Les Etats-Unis et l’Union européenne sont eux aussi sur le pied de guerre – économique et diplomatique – pour sanctionner aussi fortement que possible la Russie, sans envoyer de soldats. La Russie pourrait être exclue du système d’échanges financiers international Swift, une « bombe atomique » financière. La valeur du rouble a fortement chuté et pourrait continuer dans les prochains jours. Le prix des matières premières, pétrole et gaz en tête s’est enflammé.

Mais alors pourquoi Vladimir Poutine prend-il autant de risques ? Et surtout pourquoi en 2022 ?

La réponse la plus évidente est le retour de la grande Russie. Le maître du Kremlin veut rétablir une zone de protection autour de son pays et cela passe par une zone d’influence sur les pays de l’ex-URSS dont l’Ukraine faisait partie mais qui a pris son indépendance en 1991 (90 % des Ukrainiens ont voté en ce sens). En clair, Vladimir Poutine n’a jamais vraiment reconnu les frontières de ses voisins.

Les Etats-Unis de leurs côtés dès la chute du mur, ont fait progresser l’Otan (alliance militaire occidentale) sur le continent européen en direction de la Russie. C’est en réalité la poursuite de la fameuse stratégie du « containment » (soit endiguement en français) qu’on a tous apprise en cours d’histoire et qu’on pensait réservée au chapitre de la Guerre froide. Elle visait à stopper l’extension de la zone d’influence soviétique au-delà de ses limites atteintes en mars 1947 et à contrer les Etats susceptibles d’adopter le communisme.

Arrivé au pouvoir en 2000, Vladimir Poutine n’a eu de cesse de contrer cette offensive. Cette obsession – certains parlent même de « paranoïa » – du président russe le pousse à invoquer à maintes reprises le risque d’adhésion de l’Ukraine à l’Otan alors que cette option n’a jamais été officiellement mise sur la table par l’alliance atlantique.

L’invasion de l’Ukraine est en partie due à ce sentiment d’encerclement. Pourtant, la Russie s’était formellement engagée à ne pas porter atteinte à l’intégrité du pays. En 1994, Américains, Anglais et Russes s’y étaient engagés lors du Mémorandum de Budapest en échange de l’abandon de leur arsenal nucléaire ukrainien.

Dans les faits, l’Ukraine est toujours restée un point de friction entre les Occidentaux d’un côté (et les Américains en particulier) et l’ancien contrepoids soviétique de l’autre. Depuis 2004, chacun des deux pays a soutenu à chaque élection présidentielle le candidat ukrainien qui voulait bien faire pencher le pays dans son camp. Ainsi, tantôt pro-russe, tantôt pro-Occident, l’exécutif ukrainien a valsé, d’un côté et de l’autre.

2014, le début de la guerre

En 2014, c’est le point de rupture. Le camp pro-occident est élu mais ses adversaires n’acceptent pas le résultat. C’est le début de la formation des provinces séparatistes dont la Crimée. La Russie décide son annexion sans qu’aucun pays occidental ne s’y oppose militairement. Les deux autres bastions pro-russes situés à l’est ukrainien (le Donbass), ne sont alors pas (encore) annexés.

Depuis 2014, plus de 14.000 morts sont recensés et 2 millions de personnes ont fui la région. Le cessez-le-feu signé à Minsk en 2015 par la Russie, l’Ukraine, l’Allemagne et la France ne change rien. Le conflit continue.

En 2019, on croit alors que Kiev bascule dans le camp pro-russe avec l’élection de Zelensky, un ancien acteur qui a mené une campagne populiste anti-corruption. Mais une fois au pouvoir, sa politique se tourne en réalité vers l’Union européenne et laisse planer la menace d’une entrée dans l’Otan. En attendant les combats continuent à l’est… Et c’est sur ce conflit larvé que le président russe surfe jusqu’à l’invasion décidée ce 24 février. Objectif : empêcher l’Ukraine d’adhérer à l’Otan.

Le gaz, la pierre angulaire

Mais toutes ces explications ne répondent pas à la question : pourquoi déclarer la guerre maintenant ? Personne n’est dans la tête de Vladimir Poutine et des éléments encore inconnus pourraient surgir dans les prochains jours mais le gaz fait assurément partie de la réponse. Jusqu’à présent, une partie des gazoducs russes qui approvisionnent l’Europe, surtout l’Allemagne l’Autriche et l’Italie, passaient par l’Ukraine.

Pour intensifier les livraisons, Nord Stream 1 est mis en service en 2011 et passe cette fois par le nord de l’Europe, le long de la mer du Nord. Comme ça ne suffit pas, Russes, Allemands et Français se mettent d’accord pour financer le Nord Stream 2, le plus grand projet fossile sur le continent.

Gazprom (le gazier russe) a ainsi les mains libres pour approvisionner le géant allemand. La Russie se retrouve alors en position de force face à l’Europe, très dépendante du gaz russe. Surtout, exit la dépendance vis-à-vis de l’Ukraine qui pouvait fermer le robinet du gaz et priver la Russie de milliards de dollars.

Bien sûr, Poutine, lui, évoque d’autres raisons. Dans son discours de déclaration de guerre diffusé dans la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 février, il affirme qu’un génocide est perpétré par le régime de Kiev contre les séparatistes russophones. Le président russe parle même de lutter contre une « nazification » de l’Ukraine.

Il joue allégrement sur la fibre patriotique du pays et le souvenir de l’URSS délivrant l’Europe de l’envahisseur nazi. Sur ce sujet, toutes les chancelleries occidentales sont unanimes et déplorent une stratégie de désinformation.

Reste à voir quels seront les éléments qui feront pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. Du côté du gaz, contre toute attente, l’Allemagne a annoncé, mardi 22 février au soir, suspendre l’autorisation de mise en service de Nord Stream 2 qui était en cours.

Avec Les Echos Start

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