Fermeture des frontières pour lutter contre le Covid-19, une mesure visiblement inefficace

©liinformateur.net – 30 avril 2020 – 11h16

Une des plus importantes mesures prises par la plupart des États africains pour enrayer la propagation du Coronavirus est la décision de fermeture des frontières terrestres. Cette mesure qui peut à première vue paraître salutaire, est plutôt un trompe-l’oeil dans le contexte africain où les frontières sont de véritables passoires.

Le Togo a connu une dizaine de cas de contamination au Covid-19 le 29 avril, 7 de ces cas se retrouvent à Djarkpanga, une localité de la préfecture de Mô, très proche du Ghana. Les premières informations font état de ce que ces cas ont donc été contaminés au Ghana. Cette situation étonne plus d’un sachant que les frontières sont officiellement fermées depuis plusieurs semaines.

« Les habitants de Djarkpanga sont plus Ghanéens que Togolais. Il y a juste quelques années que nos autorités ont pris des initiatives pour permettre aux populations de cette zone d’avoir accès à l’eau potable, l’électricité et le téléphone. Mais les échanges commerciaux se font plus avec le Ghana.« , analyse un contact.

La réalité dans la plupart des États africains dont le Togo est assez révélatrice. Le pays a officiellement trois pays limitrophes : Bénin à l’Est, Ghana à l’Ouest et Burkina Faso au Nord. Le point de passage en direction du Bénin est Hilla-Condji, celui du Ghana est Kodjoviakopé et Cinkassé pour le Burkina. À cela s’ajoute quelques autres frontières contrôlées par les polices des frontières de ces quatre pays le long du territoire. Mais en dehors de ces points de passages officiels, il existe des centaines de passages officieux entre ces trois pays et le Togo. Aussi, peut-on se retrouver dans le Ghana, le Bénin ou le Burkina sans passer par les frontières connues. Dans bien des cas, la plupart de ces frontières officieux échappent à tout contrôle des autorités.

«  A Adidogomé ici, ils sont pleins, coiffeurs, mécaniciens, restauratrices, meuniers, serveuses… plein plein qui rentrent chaque soir et reviennent chaque matin . A la question de savoir comment ils font pour traverser la frontière, la réponse a été qu’ils se réveillent à 3h et passent par la brousse pour venir « , nous confie un source anonyme.

Pour ne rien arranger à la situation, l’idée même de frontières est chimère dans un contexte où dans plusieurs localités, ce sont les mêmes familles qui vivent de part et d’autre de cette ligne imaginaire appelée frontière. Entre le Togo et le Ghana par exemple, sur le long des 700 kilomètres de frontières que se partagent les deux pays, plusieurs personnes vivent et travaillent d’un côté comme de l’autre. Il existe des familles qui vivent au Togo mais dont les champs et lieux de travaillent se situent du côté Ghana et vice-versa.

« J’ai un menuisier en face de moi ici qui quitte aflao au Ghana et vient au boulot tous les jours à sagbado. Si à côté ici c’est pas bien fait ce nest pas Djarkpanga qui sera bien fait en tout cas.« , conclut un dernier interlocuteur.

Il est donc impossible de séparer de manière étanche ces familles et penser pouvoir les maintenir par des points de contrôle de police. Loin d’être difficile à appliquer, cette mesure créerait sans doute beaucoup de tensions.

À l’heure de la lutte contre le Coronavirus, il apparaît donc inutile de compter sur la fermeture des frontières pour éviter les déplacements de part et d’autres et limiter la propagation de la pandémie. Pour beaucoup de personnes, la meilleure manière de mener cette lutte est de miser sur la sensibilisation à l’application des mesures barrières et rendre le port de masques obligatoire dans tout l’espace CEDEAO par exemple.

Samuel Gnanhoui…

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