Effectivité de la décentralisation : les constats amères de Pascal Agbové

liinformateur.net – 17 avril 2020 – 10h45 (Lomé)

Le Togo a fait l’option de la gouvernance décentralisée depuis quelques années déjà. Cette option a été matérialisée par l’élection des conseillers municipaux en juin et août 2019. Quelques semaines après les conseillers municipaux prenaient effectivement la charge de la gestion de leur commune. Mais presque un an après la mise en place des communes et leurs conseillers, rien ou presque n’a changé dans le mode de gestion des affaires de la cité. C’est le constat amère que dresse Pascal Edoh Agbové, expert en décentralisation à travers un tribune.

Selon lui, ces premiers mois de l’effectivité de la décentralisation au Togo sont une désillusion totale. La gestion des affaires de la cité reste centralisée comme s’il n’existait pas d’entités décentralisées. Pire, beaucoup d’élus locaux montrent des signes de démotivation, d’amateurisme et le pouvoir central ne se montre guère pressé pour un transfert de compétence à l’endroit des communes.

« Bientôt un an, les constats faits sur le terrain sont entre autres : (1) nombre de conseillers municipaux élus sont peu motivés, maîtrisent peu leurs rôles, s’impliquent peu dans la gestion des affaires communales, sont déçus des avantages attendus de leurs fonctions ; (2) la plupart des membres de l’exécutif communal (le Maire et ses adjoints) se réfèrent plus à leur hiérarchie politique (aux supérieurs de leurs partis politiques) au lieu de créer une véritable alliance des forces vives locales pour des prises de décisions concertées et démocratiques au niveau local afin de favoriser la participation citoyenne; (3) les administrations municipales se contentent plus de la légalisation des actes, de la célébration de mariages et certaines autres tâches administratives que des projets de développement local conformément aux différents domaines de leurs compétences ; (4) le transfert de ressources de l’État aux collectivités territoriales n’est pas encore effectif comme prévu par la loi; (5) les populations communales n’exercent pas le contrôle citoyen sur les élus, le Bureau du Citoyen prévu par la loi pour faciliter ce contrôle citoyen n’est pas encore installé dans nombre de communes ; etc.« , écrit Pascal Edoh Agbové.

L’expert en décentralisation nuance tout de même, quelques communes semblent faire exception à la règle et font montre d’innovation. Mais il appartient aux citoyens de se montrer davantage intéresser par les questions de développement de leur localité et jouer leur rôle de contrôle citoyen de l’action des élus locaux. Pour se faire, il urge que les conseillers municipaux soient davantage formés, fassent une gestion transparente de leur commune et surtout qu’ils se livrent à l’exercice de compte rendu régulier.

Pour mieux aider à l’atteinte des objectifs assignés au processus de décentralisation, Pascal Agbové formule une dizaine de recommandations.

1- Nécessité de mettre en place des juridictions administratives dans chaque préfecture ou à défaut dans chaque chef-lieu de région pour la gestion des conflits éventuels entre les élus locaux et les représentants de l’État;
2- Transfert effectif des ressources aux collectivités territoriales en rendant opérationnel le Fonds d’Appui aux Collectivités Territoriales ( FACT) ;
3- Prise de certains textes (décrets et arrêtés) pour faciliter l’application de certaines dispositions de la loi relative à la décentralisation ;
4- Si possible créer un département spécial au sein du Gouvernement pour s’occuper essentiellement des collectivités territoriales ;
5- Mise en place du Comité National de suivi de la décentralisation pour faciliter l’évaluation du processus pour des actions correctives promptes ;
6- Mise en place d’un programme de renforcement des capacités et d’accompagnement des élus locaux pour les aider à bien faire leur travail ;
7- Mise en place des organes de gestion du District Autonome du Grand Lomé afin de permettre une bonne coordination des actions de développement entre les communes et le District ;
8- Redéfinition des missions des différents ministères en tenant compte de la loi relative à la décentralisation et aux libertés locales ;
9- Formation des cadres de l’administration centrale sur les textes relatifs à la décentralisation afin de faciliter le transfert des compétences ;
10- Vote d’une loi spéciale relative au contrôle de l’action publique par la société civile.

La réussite du processus de décentralisation est un enjeu collectif, aussi le directeur général de l’ONG Initiative des Jeunes pour le Développement invite-t-il chaque citoyen à se sentir concerné par les questions liées à la gestion de sa commune. Ce n’est qu’à ce prix que le pari du développement participatif pourra être réussi.

Samuel Gnanhoui

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