©liinformateur.net – C’est l’une des annonces fortes de l’après élections législatives et régionales au Togo. Quelques heures avant l’annonce des résultats définitifs des élections législatives par la Cour Constitutionnelle, le président du Nouvel Engagement Togolais (NET), Gerry Taama a annoncé sa retraite de la vie politique nationale et sa démission de la tête du parti qu’il a fondé en 2012. Si l’annonce est une première au Togo (jamais aucun leader politique n’avait tiré une telle leçon de la défaite politique), elle interroge tout de même sur les véritables intentions de l’ex-militaire et l’avenir de sa formation politique.

« Je quitte la scène politique togolaise », c’est par ces mots que Gerry Taama commence par annoncer sa décision aux internautes. Tout le monde s’interrogeait sur son silence aux lendemains des élections du 29 avril et la défaite de sa formation politique. Personnellement, dans l’Est-Mono, Gerry Taama s’en sort avec un score honorable mais insuffisant pour obtenir un siège. Une défaite difficile à digérer au regard des irrégularités qu’il dit avoir observé durant le scrutin, des irrégularités qui font sortir le scrutin de « son cadre légal ».

« C’est à partir de 16h, quand commencent les dépouillements, que le processus va complètement sortir de son cadre légal. », écrit Gerry Taama. Il parle de votes multiples, de refus de remettre les procès-verbaux à ses délégués et représentants, de tripatouillage des résultats… Pour le leader du NET, trop c’est trop. Difficile de continuer par croire en la politique nationale après tant d’efforts pour rien. Définitivement, il ne croit plus en la sincérité des élections pour régler le problème togolais.

« J’ai pris la décision de quitter la politique ce 30 avril 2024, au vu de la vanité de tous nos efforts. Il ne sert à rien de perdre son temps en politique au Togo, tant que les résultats des élections n’ont aucun rapport avec le vote des électeurs. Cette situation, cette férocité et cette voracité, je ne l’ai observée dans aucune des quatre élections auxquelles j’ai déjà participé. Cette année était spéciale. », a écrit Gerry Komandega Taama.  

Gerry Taama peut-il vraiment prendre sa retraite en ce moment ?

Une retraite politique signifie en bref se retirer complètement de la vie politique pour se consacrer à autres choses. M. Taama annonce vouloir se consacrer à ses affaires, l’homme est aussi par ailleurs businessman. En 2012 lorsqu’il débarquait sur la scène politique, les Togolais étaient stupéfaits de découvrir un militaire qui abandonne les armes pour la politique. Il en a résulté autant d’interrogations sur la sincérité de sa démarche. Mais il a réussi à prouver qu’il avait bien sa place dans le microcosme politique nationale. Sa formation politique est très présente dans le débat politique et des grands combats de l’opposition même s’il se garde bien d’épouser toutes les idéologies de ses pairs. Il opte pour un alignement centriste qui a du mal à passer au sein de l’opinion. Mais l’homme est tenace. Puis, vient un début de couronnement.

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2018, le NET est candidat au scrutin législatif. Il s’en sort avec trois députés à Lomé, Est-Mono et Bassar. L’année suivante, il obtiendra plus de trente sièges de conseillers municipaux lors des élections municipales. Le NET est sur les nuages et Gerry Taama va révéler toute son intelligence politique au parlement. On retiendra de lui qu’il sera le député de la sixième législature qui communique le plus aussi bien sur le travail parlementaire. Il est également présent sur les questions sociales avec des interpellations des ministres. Bref, Gerry Taama a su imposer une députation décomplexée et une image de proximité avec les populations. Dans le débat médiatique, l’homme est également présent, et de l’avis général, il s’en sort plutôt pas mal.

Peut-on avoir construit tout cela et abandonner la barque au moment où le parti se trouve dans une tempête politique ? Un capitaine n’abandonne pas le navire en plein naufrage, dit-on dans la marine. Mieux, Gerry peut-il se passer de politique ? Même s’il a une vie en dehors de la politique, Gerry Taama n’en est pas moins un féru.

Et si c’était plutôt une stratégie de camouflage politique ?

Dans l’armée, milieu qu’il connait très bien, le camouflage est utilisé par les soldats d’élite pour se confondre à leur environnement pour ne pas être repéré par l’ennemi. Ceci leur permet de bien observer leur environnement pour bondir au bon moment et assaillir l’ennemi. Et si c’était finalement la stratégie de Gerry Taama. Au moment où il n’a plus de titre officiel, l’homme choisit peut-être de disparaitre dans le décor et prendre une posture d’observateur. Cette stratégie lui permettra sans doute de mieux observer la scène politique et d’en tirer des leçons précieuses pour la suite.

Selon Gerry Taama, dans les prochains mois, le NET pourrait connaitre un nouveau leadership. Mais ces dernières années, Gerry Taama et le NET ont été blanc bonnet – bonnet blanc. Comment le NET pourrait-il survivre sans l’aura de son président ? Qui au sein du parti aurait le charisme de Gerry Taama pour maintenir ce parti en pole position dans l’opinion ?

Voilà autant de question qui laissent penser que la retraite politique annoncée ne serait qu’une stratégie de camouflage politique. L’histoire politique de l’opposition au Togo a laissé voir que la retraite politique est quelque chose de difficile à prendre. Quelques années plus tôt, le Comité d’Action pour le Renouveau (CAR) avait tenté le coup, la suite tout le monde la connait. Au sein des autres partis politiques de l’opposition, la retraite est simplement impassable tant les présidents fondateurs sont omniprésents et indispensables à la survie du parti.

Peut-être que le NET pourrait prouver le contraire, mais il est assez difficile de parier là-dessus. Pour l’heure, il est certain qu’il serait difficile à M. Taama de s’effacer de la scène politique. Beaucoup continueront par scruter sa page Facebook pour guetter son avis sur les sujets politiques. Difficile pour celui qu’on surnomme GETAK, de s’abstenir de faire de la politique. Comme disait un acteur politique il y a quelques années, « de la même façon qu’on ne peut pas empêcher un menuisier de scier le bois, on ne peut pas m’empêcher de faire de la politique ».