Mali : la contestation doit éviter les erreurs de l’opposition togolaise

©liinformateur.net – 28 juillet 2020 – 16h34 (Lomé)

L’opposition malienne a rejeté totalement les propositions de sortie de crise formulées par le sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la Cédéao lundi 27 juillet 2020. Elle maintient la démission du président IBK comme seule condition de résolution de la crise. Une attitude qui s’apparente à celle affichée deux ans plus tôt par l’opposition togolaise vis-à-vis de la même institution, avant de tout perdre. Au Mali, l’opposition pourrait être gagnée par la même malédiction si elle ne fait pas évoluer sa position.

« IBK dégage« , c’est le principal slogan qu’on entend lors des manifestations populaires qui secouent les rues de Bamako et quelques villes de l’intérieur du Mali ces dernières semaines. Ce slogan est loin d’être de simples mots scandés par des manifestants survoltés, la « démission d’IBK » figure en pôle position des exigences de la contestation menée par l’imam Mahmoud Dicko. Pourtant, sur ce point, la Cédéao a tracé une ligne rouge.

A la suite du sommet extraordinaire du 27 juillet, les 15 chefs d’Etat ont formulé quatre propositions de sortie de crise au peuple malien : formation d’un gouvernement d’union nationale, démission des 31 députés mal élus et reprise partielle des législatives, dissolution de la cour constitutionnelle et commission d’enquête sur la mort des manifestants il y a quelques jours. Les chefs d’Etat ont même haussé le ton en menaçant de sanctions ceux qui tenteraient de semer des troubles pour saper son plan de résolution.

Mais il en fallait visiblement un peu plus pour émousser la détermination des leaders de la contestation qui ont immédiatement rejeté les proposition de la Cédéao. La contestation campe sur la démission d’IBK, alors que la Cédéao parle d’une ligne rouge. En rejetant en bloc les propositions des chefs d’Etat, l’opposition malienne se met dans la même posture que l’opposition togolaise deux années plus tôt.

Au temps fort de la crise socio-politique de 2017-2018 au Togo, l’opposition incarnée alors par la coalition des 14 partis politiques (C14 ) s’était illustrée par un refus catégorique de toutes les propositions de sortie de crise de la Cédéao. Sa seule revendication : « Faure must go« . La suite on la connait, c’est le calendrier de la Cédéao qui est passé avec des législatives le 20 décembre 2018 auxquelles la C14 a refusé de participer. Non seulement elle n’a pas obtenu le départ de Faure Gnassingbé, mais elle s’est surtout exclue de plusieurs instances politiques notamment le parlement et la CENI. Certains membres de la C14 rongent leur pouce depuis à des postes de conseillers municipaux ou de Maires pour les plus chanceux. La rue, son seul argument de pression s’est ramollie pour ne plus se réduire qu’à sa plus simple expression.

Malgré la ferveur populaire qui accompagne aujourd’hui les appels à manifester de l’opposition malienne, elle doit se rendre à l’évidence que la rue ne saurait lui être indéfiniment acquise. Se renfermer dans une attitude de rejet systématique de toutes les propositions de sortie de crise et s’arc-bouter sur l’exigence de départ d’Ibrahim Boubacar Kéita, pourrait la mettre en difficulté et lui faire perdre tout. IBK a avec lui l’atout du temps et en jouant dessus il fait perdurer la crise, alors que l’opposition aura de plus en plus de mal à mobiliser dans le temps. Un jour viendra où, lassé de ne pas voir ses revendications satisfaites, le peuple sera moins enclin à descendre dans la rue pour se faire tuer.

La contestation malienne doit s’inspirer de l’échec de l’opposition togolaise. Savoir saisir les petites ouvertures pour obtenir de grandes concessions est aussi une qualité majeure qui manque malheureusement à plusieurs oppositions en Afrique. L’imam Mahmoud Dicko serait bien inspiré de ramener les siens à la raison.

Samuel Gnanhoui

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