Pétrolegate / Rapport d’audit / Selon Christian Trimua : « ce rapport qui est brandi comme une preuve n’est pas fiable »
©liinformateur.net – (Lomé, 29 mars 2021, 10h37) – Voilà qui tombe tel un couperet, battant en brèche tout le travail abattu par la Direction générale du trésor, appuyée par l’Inspection générale des finances. Ces deux organes ont récemment déposé un rapport présenté comme les conclusions d’un audit commandé par le gouvernement destiné à faire la lumière sur le scandaleux pétrolegate. Dans ledit rapport, la couronne d’accusés est posée avec fracas sur la tête de plusieurs personnalités appelées à justifier ou à rembourser des sommes mirifiques qui filent le vertige. Pour l’un des porte-parole du gouvernement, le ministre Christian Trimua, aucun crédit ne peut être accordé à ce fameux rapport, produit dans des conditions qui violent toutes les dispositions procédurales.

Par Yves GALLEY : Directeur de publication de la SYMPHONIE

Le ministre Christian Trimua en charge des droits de l’homme était l’invité, le samedi 20 mars 2021, de l’émission Rétro 7 de Victoire FM, animée par le confrère Déla Agbo. De tous les sujets au menu des échanges, celui de pétrolegate – le chou gras des tabloïds depuis des semaines – aurait le plus magnétisé les attentions.

« Je ne sais pas si la présidence de la République a commandité une enquête particulière sur le sujet, je ne peux pas vous renseigner là-dessus », glisse d’entrée le ministre. Avant de poursuivre : « En revanche, si vous voulez, ce sujet passionne exagérément nos compatriotes, et peut-être au-delà du raisonnable. Je comprends que la valse de zéros donne du tournis à tout le monde, c’est précisément peut-être parce que le chiffre est tellement colossal qu’il est invraisemblable. En réalité, cette affaire est un élément d’un procès qui est en cours, vous me pardonnerez de ne pas la commenter dans ses détails, puisqu’il y a eu un certain nombre d’actions qui ont été menées à titre privé par des mises en cause par le journal que vous évoquez (L’Alternative, ndlr), l’affaire étant au niveau de la Cour d’appel, vous me pardonnerez de ne pas la commenter. »

Jusque-là, le ministre semblait ne vouloir en dire plus, mais piqué au vif par une relance de l’animateur, il va retrouver toute sa loquacité. A la question : « Y-a-t-il eu une enquête qui a été menée, et un rapport déposé ? », le ministre se montre explicite.

« Pour ne pas donner le sentiment que j’évacue le sujet, ce que je peux vous dire simplement là-dessus, le gouvernement a traditionnellement l’habitude de commanditer ce qu’on appelle une réconciliation des données pour pouvoir rapprocher les chiffres. Donc ce n’est pas un audit, je voudrais vraiment que ça soit très clair, le gouvernement n’a pas commandé d’audit sur le secteur du pétrole. Le rapport dont on parle n’est pas un rapport qui a été commandé par le gouvernement sur l’audit du secteur du pétrole. Il a été demandé à la Direction générale du trésor, appuyée par l’Inspection générale des finances, de procéder à cette réconciliation des données qui est une opération qui se fait régulièrement, ou en tout cas périodiquement, parce que l’Etat veut connaître effectivement entre les chiffres qui sont déclarés et les chiffres qui sont tenus par les acteurs du secteur. Vous verrez que l’équipe qui a été mise en place pour cette mission ne comporte pas de spécialistes du secteur du pétrole. Si nous avions commandé un audit du secteur du pétrole, nous aurions recherché l’expertise adaptée à ce secteur du pétrole pour pouvoir le demander. »

Termes de référence modifiés et procédure bâclée
Christian Trimua regrette la violation du principe sacro-saint de la contradiction dans la conduite de l’enquête, le non respect du droit de la défense, et évoque la modification des termes de référence de la mission, ce qui est d’une gravité punissable. A quelles fins, peut-on se demander.

« Il s’est trouvé simplement qu’à un moment ou à un autre, les termes de référence ont été modifiés d’une certaine manière que la mission a été conduite dans des conditions que vous connaissez aujourd’hui très clairement. Un certain nombre de personnalités mises en cause dans cette question n’ont pas été auditionnées, n’ont pas été convoquées ; je vous donne typiquement un exemple, on parle beaucoup de Mme Legzim sur ce sujet, sa photo s’affiche en première page d’un certain nombre de journaux. Dans toute la procédure, Mme Legzim n’a été ni convoquée ni invitée à s’expliquer. On lui a même pas donné un courrier ni même entendu, mais si vous regardez sur toutes les affiches, c’est son nom que l’on crie, c’est elle que l’on poignarde sur tous les journaux. Est-ce-que cela est acceptable ? Ce n’est pas acceptable, dans une procédure de cette nature, vous devez interroger les acteurs concernés, leur demander la documentation, leur laisser le temps de la réponse, c’est ce qu’on appelle la contradiction dans les éléments qui sont faits et à partir de ce schéma quand vous produisez un rapport dit provisoire, le rapport provisoire leur est adressé, jusque-là, la procédure n’est pas publique. Ils répondent à leur rapport, donnent les éléments d’explication que vous leur demandez, si vous êtes satisfaits, vous les prenez, si vous n’êtes pas satisfaits, vous les contestez. Et c’est à la fin du rapport final effectivement sur les conclusions du rapport final qu’une action est possible. Il se trouve que sur ce rapport provisoire qui a été fait dans les conditions que je viens d’évoquer sans respect des règles naturelles de cet exercice, sans respect du droit de la défense des uns ni de la contradiction qu’il faut, avant même que le rapport n’ait fait l’objet d’une restitution à ceux qui l’ont demandé, le rapport était sur la place publique sur les réseaux sociaux. Dans quelles conditions ce rapport a été publié sur les réseaux sociaux, avec les commentaires qu’on avait, avec des personnalités qui n’ont même pas eu l’occasion de s’expliquer sur le rapport. Donc au fond, quand vous regardez les conditions dans lesquelles la procédure a été menée, qui a été contestée et qui met en place aujourd’hui ce rapport dit provisoire, ne peut servir, ne peut documenter aucune procédure ni aucune action. Le gouvernement ne peut communiquer sur un rapport de cette nature fait dans les conditions que nous sommes en train d’évoquer », expose le ministre.

Aucune fiabilité
Le gouvernement ne prendra donc aucune mesure basée sur les conclusions du rapport tonitruant du moment. « Il faut faire extrêmement attention à ne pas donner de la polémique inutile et qui amène à ces éléments de procès que nous avons avec l’accusation des personnalités et des individus sur un certain nombre d’éléments qui ne sont pas fiables. Ce rapport qui est brandi comme une preuve, qui est brandi aujourd’hui par les uns et les autres à charge d’un certain nombre de personnalités n’est pas fiable, il n’a pas été fait dans les conditions acceptables, et naturellement le gouvernement n’en tirera aucune conclusion à l’étape actuelle. », a martelé M. Trimua.

Réaction envisagée du gouvernement
Le gouvernement, devant tout ce spectacle, ne peut rester les bras croisés. Il est impérieux de poser des actes forts pour situer une fois de bon les responsabilités et clore enfin ce chapitre si houleux.

« Les initiatives du gouvernement sont en cours ; il prendra des initiatives et au moment où les résultats seront prêts, il les communiquera. Le gouvernement écoute encore et entend les commentaires des uns et des autres sur le secteur pétrolier, le gouvernement prendra des initiatives pour clarifier la procédure qui existe en temps utile. Donc ne vous inquiétez pas pour cela, nous ne sommes pas sourds à ce que les uns et les autres disent, naturellement nous devons avec précaution, dans les règles de l’art prendre les initiatives nécessaires pour pouvoir arriver à une conclusion et cette conclusion, quand elle sera disponible, elle sera communiquée par le gouvernement suivant les règles qu’il faut pour cela », promet Christian Trimua.

Les propos du ministre Christian Trimua rejoignent ceux d’un autre membre influent du gouvernement sur la même affaire. Il y a quelques mois, Gilbert Bawara déclarait à propos du rapport d’audit et des révélations du journal L’Alternative sur le pétrolegate : « il n’y a rien de plus faux ! ».

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