Togo – annulation de la cérémonie de prise de la pierre sacrée 2020 : une décision incompréhensible

©linnformateur.net – 09 septembre 2020, 18h06 (Lomé) – En pays Guin (ethnie du sud du Togo), le mois de septembre est généralement très festif et rime avec la traditionnelle cérémonie de prise de la pierre sacrée. Tous les Guin communient ainsi avec les 41 divinités de leur milieu, ces derniers leur transmettent à travers une pierre sacrée, leur message et prédictions pour l’an nouveau. Voilà plus de 350 années que ce rituel est observé méticuleusement par les adeptes de ce type de religion. Mais cette année, les dieux Guin se refuseraient à parler, du moins il n’y aura pas de prise de la pierre sacrée… et pour cause, les premières autorités traditionnelles ont décidé l’annulation du rituel. Cette décision qui ne fait guère l’unanimité suscite incompréhension.

Même si depuis quelques années on sentait une sorte de politisation de cette cérémonie à l’origine très sacrée, les dissensions et déchirements entre prêtres et adeptes n’ont jamais amené à annuler la cérémonie. Une année, il y eut même 2 pierres « sacrées » sorties de la même forêt, exposant les Guin à la risée nationale. Mais tout cela n’a jamais eu raison de la tradition, du coup se pose la question de savoir ce qui a bien pu motiver la décision du « Guin fiagan » d’annuler la prise de la pierre sacrée cette année.

Covid-19, le coupable ?

Le monde entier vit depuis des mois au rythme imposé par le covid-19. Dans ces conditions, on imaginait difficilement les monstrueuses cérémonies de « Ekpé sosso » (prise de la pierre sacrée) se tenir dans le format habituel. Il a été pensé un format plus adapté au contexte sanitaire avec suppression des grands rassemblements pour des rituels plus intimistes.

Qu’importe le format, l’important c’est que la pierre parle à nouveau et livre son oracle à ses adeptes qui languissent de l’entendre. On peine à imaginer que les divinités qui veillent sur le peuple Guin soient affectées par le coronavirus ; mais on comprend que le souci de ces dieux n’est pas d’abord d’exposer leurs adeptes. D’où les premières solutions proposées pour éviter tout grand rassemblement.

Chaque famille était invitée à communier spirituellement avec les ancêtres depuis sa demeure, les grands prêtres iraient dans la forêt pour faire parler la pierre et transmettre le message. Mais voilà, rien de tout cela n’aura plus lieu. L’annulation de la cérémonie de prise de la pierre est la solution proposée par les premiers responsables du peuple Guin, mais ce n’est certainement pas à cause du covid-19. Il faut trouver les raisons ailleurs.

Eviter les dissensions déjà naissantes…

Entre prêtres et adeptes des Ata Sakouma et autres Mama Kolè, ce n’est pas le grand amour depuis des années. Les dissensions sont telles que les principaux prêtres en ont fait voir de toutes les couleurs. Les dieux ne s’entendraient-ils pas ? Est-on tenté de se demander.

Il y a eu l’épisode des deux pierres sacrées prises dans la même forêt, l’épisode des jets de pierres et même celui de la pierre colorée ; le public a eu droit à tout. En toile de fond, les divisions entre prêtres parfois du même couvent. La politique et les prébendes se sont invitées dans le jeu cultuel. Cette année encore, ces vieux démons semblaient couver dans les coulisses et les couvents des vaudou.

Selon des indiscrétions, les autorités traditionnelles locales ont voulu prévenir le pire, d’où la décision d’annuler la cérémonie.

Des adeptes dans l’incompréhension…

Si sa majesté Guin Fiogan Foly Bébé XV a voulu résoudre le problème par une voie radicale, il n’en demeure pas moins que cette annulation met les nerfs des adeptes de la pierre sacrée à vive épreuve. Comment raconteront-ils à leurs descendants qu’il eut une année, la pierre n’a pu être prise ? Par quel moyen diront-ils que les dieux n’ont pas parlé pour les avertir du danger ? En voulant calmer le jeu, sa majesté a plutôt frustré des gens qui sont aujourd’hui inconsolables.

Mais au-delà, les bisbilles autour de la prise de la pierre sacrée démontrent qu’il faut réformer la prêtrise et y apporter du sang nouveau et surtout des gens épris de respect des valeurs culturelles et cultuelles plutôt que des prêtes influençables et manipulables. La survie des rites en dépend.

Rappelons qu’en raison de la cérémonie de prise de la pierre sacrée, toute la préfecture des lacs a été bouclée pour éviter les contacts et les grands rassemblements.

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