Togo : Les utiles conseils de Gerry Taama aux jeunes en quête de financement

©liinformateur.net – 22 octobre 2020 – 16h38 (Lomé) – Comment trouver les moyens pour financer ses projets ? C’est la question majeure qui taraude l’esprit de plusieurs jeunes de nos jours. Ils sont en possession de projets qu’ils veulent bien mettre en branle mais le financement fait défaut et leurs pensées sont parfois portées vers les premières autorités (ministres, députés, PDG…). Mais au finish, leur quête est décevante car ce qu’ils espèrent tirer de ces personnalités n’est jamais à la hauteur de leurs attentes. Et si c’était finalement eux qui s’y prenaient mal ? C’est du moins ce que pense Gerry Taama qui invite ces jeunes en quête de financement à changer d’approche.

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Le président du Nouvel Engagement Togolais, qui par ailleurs a plusieurs cordes à son arc, livre de véritables conseils à ces jeunes s’ils espèrent dénicher un financement. Changer d’approche et mouiller le maillot, c’est ce que recommande le député à toutes ces personnes à la recherche de financement. Lisez plutôt…

5000F, c’est une aide, 50000F, un investissement. Conseils aux jeunes qui veulent se prendre en main.

Avec près de 40% de taux de sous-emplois, le travail est le plus grand défi de notre société. Et chaque jour, on entend chez les jeunes l’invariable phrase: c’est le soutien qui manque.

Dans cette perspective, il est presque normal pour le jeune qui rentre dans la vie active, de se tourner vers un parent biologique, un frère du village, ou simplement quelqu’un qui semble avoir les moyens, pour solliciter une aide, comme on le dit chez nous.

A tous ces jeunes qui sont dans cette situation et qui pensent compter sur les ainés pour une assistance, je vous dit que vous faites fausse route. On peut vous dépanner avec 5000F, voire 10 000F, mais rarement au delà.

Un ministre gagne environs 2 millions au Togo. S’il est un jeune ministre, il est certainement en train de construire ou rénover sa maison, et si ce n’est pas la sienne, c’est celle de sa maman (maman de ministre n’est pas n’importe qui) ou celle des parents de son épouse (ou époux). Donc, il est en chantier. Ajouté à cela, il reçoit par jour au moins 10 demandes d’assistance. S’il donne seulement 20 000/jour, il est à 600 000F par mois. En aidant avec 10 000F, ça fait 2 personnes par jour, ou une seule à 20000F. Je prends l’exemple de ministre parce que c’est le tableau fini de notre société. Autrement, tous les hauts cadres de notre administration, en dehors des douaniers, inspecteurs des impôts et banquiers vivent les mêmes situations. Et il ne faut pas comptabiliser les opérateurs économiques. Ils sont pingres parce que quand il ont 1F, ils ne pensent qu’à réinvestir.

Donc, mes chers amis jeunes, quand vous demandez une assistance financière, voila la limite de l’aide que vous pouvez avoir, même si c’est un ministre ou un député. Le conseil que je veux vous donner aujourd’hui, c’est d’éviter de demander l’assistance, mais proposer une prestation, peu importe laquelle. Tous ceux qui ont atteint des positions dominantes aujourd’hui, sont de grands bosseurs, ils sont passés par votre situation actuelle. Proposez au DG de lui tondre sa pelouse, de lui tailler sa haie, voire de lui laver sa voiture. Il va apprécier votre dynamisme, et vous payera largement au dessus de la valeur de la prestation. Il vous donnera votre chance, juste parce qu’il apprécie votre audace. En 2005, c’est un étudiant qui s’occupait de mon jardin. Aujourd’hui, il travaille je crois à la BCEAO. Son audace lui a tracé la route.

En 1996, j’ai écrit une lettre de 26 pages au ministre DOGO (il vit encore et vous pouvez vérifier), lui proposant d’être contremaitre dans sa ferme à Avétonou. J’ai eu le poste et j’ai travaillé pour lui pendant 3 ans. certains de ses frères qui étaient à sa charge, ne comprenaient pas ce que je faisais avec le vieux, alors qu’ils me rencontraient sur le campus.

Au lieu de demander une aide, proposez une prestation.

Allez voir n’importe quel chef d’entreprise et proposez lui d’être son commercial, à titre gratuit, uniquement au pourcentage des affaires. A la fin du mois, même si vous n’avez rien ramené comme affaires, s’il voit que vous avez bien travaillé, il vous payera un forfait, et peut être vous finirez par être embauché, parce qu’il a commencé ainsi. Allez au grand marché, ciblez un grossiste, et achetez pour commencer 5 articles, peut être à 20 000F. Allez les vendre, venez reprendre 10 articles, allez en vendre, et prenez en 15 ensuite. Après, le grossiste vous donnera 50 articles pour vendre et lui rembourser après. Je l’ai déjà fait, avec un Malien qui ne me connaissait même pas. C’est des gens qui ont le sens du risque, et 50 articles ne représentent rien pour eux.

Il y a quelques jours, j’ai lu sur les réseaux sociaux le texte de la copine d’un « influenceur’ qui soutenait qu’elle ne voulait plus des gens qu’ils l’invitent juste pour aller manger au restaurant, mais plutôt des personnes qui financent ses projets. Soyons honnête entre nous Togolais, en dehors des étrangers et de la minorité qui a l’argent gbandjo, personne ne peut financer les projets de quelqu’un d’autre. Madame, ton affaire peut être douce n’importe comment, ça ne changera rien. Il n’y a pas l’argent, c’est ça même la vérité. Un diplômé d’un master gagne à peine 200 000F par mois dans notre pays. S’il t’amène au restaurant, c’est qu’il est revenu de mission et qu’il en a les frais. Le gars te donne 20 000F tu trouves que c’est petit, c’est pourtant 10% de son salaire. Dans notre pays, 50 000F, c’est un investissement, et comme tout investissement, il faut des intérêts. Ton affaire ne produit pas des intérêts. Avec 50 000F, on achète congélo occasion pour vendre jus et glaçon à la maison.

Les opérateurs économiques ne jettent pas leur argent dans ces histoires d’assistance et d’aides ( tous les chefs d’entreprises sont pingres, c’est même pourquoi ils sont riches d’ailleurs). Les autres (Ministres, députés, DG) ne mettront jamais plus de 10 000f, dans un projet que vous leur présentez. Le cadre du village d’ailleurs te donne sporadiquement les 10 000F parce qu’il sait que tu avais battu compagne pour lui et qu’il te sollicitera, c’est tout. Donc, quand vous envoyez un message à un grand en lui disant que vous voulez ouvrir un restaurant et que vous avez besoin de 400 000F, oubliez cette histoire. Par contre, dites lui que vous voulez lui fournir les repas pour ses réceptions, et si vous savez vous y prendre, les 400 000 vous les gagnez en quelques mois.

Pour terminer, et là je m’adresse particulièrement aux diplômés, les amis, oubliez vos diplômes face au chômage. Les conneries, genre, moi je suis sociologue, on s’en fout, ça ne paie pas de factures à la fin du mois. Moi, mes deux mécaniciens ont des maisons à étages dans plusieurs quartiers de Lomé, ils n’ont pas le BEPC. Quand j’étais étudiant, j’ai travaillé comme dockers et laveur d’entrepôts. Les autres ouvriers étaient étonnés qu’un étudiant s’adonne à ce genre de travail. Mais j’étais bien payé et j’étais tellement enthousiaste dans ce que je faisais que j’ai été repéré par le responsable qui m’a offert un poste de contremaitre. J’ai décliné parce que pour moi c’était juste un job de vacance. Soyez enthousiaste dans tout ce que vous faites, la réussite est parfois dans le sourire.

L’argent est l’autre nom de la liberté. Si tu as doctorat en sociologie et c’est la vente du charbon qui doit te donner l’argent, chef, il faut aussi avoir doctorat dans la vente de charbon. Ca te fait deux doctorats mais l’autre te nourrit.

Je reviendrai sur cette question d’auto-emploi une seconde fois, en faisant le point sur les institutions de financements qui existent, celles de l’Etat surtout.

Pour finir, toi qui lis ces pages et tu dis que tu es chômeur, es-tu seulement inscrit à l’ANPE? C’est à cause de vous qu’on dit que le Togo à 3,6% de taux de chômage. Vous criez que ce n’est pas vrai, mais ce sont juste des statistiques basées sur le nombre de personne qui pointent au chômage.

Les ressortissants de plusieurs pays d’Afrique, voire du monde, viennent prendre l’argent cadeau au Togo. Et pendant ce temps, on crie que ça ne va pas. On doit changer ça. Ensemble.

Gerry

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