Devoir de mémoire : les éléments de langage du ministre Adédzé qui suscitent des interrogations dans le pétrolegate

©liinformateur.net – Lomé, 1er septembre 2021, 01h06 – Si les populations et tous ceux qui s’intéressent à ce dossier dit de « pétrolegate » ne le savaient pas, eh bien, le moment est venu de savoir ce qu’avait présenté le ministre du commerce Kodjo Adédzé au temps fort de cette affaire, et au moment où la représentation nationale cherchait à comprendre les tenants et les aboutissants. Pour permettre aux lecteurs de bien cerner là où nous voulons aller dans notre article de cette semaine , nous publions ici en fac similé la lettre du ministre en date du 06 juillet 2020 dans laquelle il dit fournir les éléments de langage « pour expliquer le mécanisme d’approvisionnement et de distribution des produits pétroliers au Togo », suite « aux allégations du journal Alternative dans sa parution numéro 879 du 9 juin 2020 faisant état d’un détournement de 400 à 500 milliards FCFA par la famille ADJAKLY ».

En effet, à la suite de ce qui pourrait ressembler à un scandale dans son département, on aurait espéré que le patron du département, le Ministre ADEDZE fournisse des explications. Puisque le devoir de vérité exigeait que cela soit fait. Nous sommes au 21e siècle, et il n’est plus possible de vouloir cacher le soleil avec un seul doigt. En français facile, c’est que « la vérité ne peut plus être cachée ». Et Selon des indiscrétions, la première des explications se fera devant Sélom KLASSOU, alors Premier ministre. Qu’a dit le ministre ? Personne ne saura le dire. Mais toujours est-il que, la persistance et l’ampleur de l’affaire vont obliger Kodjo Adédzé à fournir des explications devant l’assemblée nationale qui cherchait à comprendre. Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, le ministre lui-même ne se présentera pas le moment venu. Il enverra des éléments de langage sur lesquels nous prenons soins de baser notre article afin que chacun puisse une fois encore de faire une idée et tirer soi-même une conclusion.

Pour rappel :

- appel d’offres de mai 2019 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL
- appel d’offres de septembre 2019 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL
- appel d’offres de décembre 2019 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL
- appel d’offres de d’avril 2020 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL
- appel d’offres de septembre 2020 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL
- appel d’offres de mars 2021 organisé par Kodjo Adedzé : vainqueur : VITOL

Doit-on supposer que le Ministre Adedzé est en collusion avec VITOL ? C’est un questionnement.

La 2ième de ses explications se fera par l’envoie à la Présidente de l’Assemblée Nationale d’un document nommé « ELEMENTS DE LANGUAGE RELATIFS A « L’APPROVISIONNMENT EN PRODUITS PETROLIERS AU TOGO » (Etape 4)

Avant de rentrer dans le corps de ce texte ensemble faisons ce constat :

1- Quelqu’un affirme que vous avez volé
2- Personne, aucune autorité politique, civile, administrative n’appelle la personne qui affirme pour lui demander de fournir des éléments afin qu’on puisse arrêter le voleur. A aucun moment le le média auteur de cette affirmation n’a été entendu.
C’est quand même curieux, mais on dira qu’on est au TOGO.

Revenons-en à notre sujet principal :

Q1 – L’importation des produits pétroliers et la fixation des prix à la pompe seraient-elles l’un des secteurs les plus opaques au Togo ?

R1 : La question telle que posée signifierait qu’il n’y a pas de base juridique régissant le secteur ou plus encore que si cette base existe, elle ne garantit pas une bonne gouvernance. Il n’en est rien d’autant que le secteur est bien régi par plusieurs textes, notamment :

-  le décret n°2010-146/PR du 26 novembre 2010 relatif au mécanisme d’ajustement automatique des prix à la pompe des produits pétroliers ;

-  l’arrêté interministériel n°017 /MCPSP /MEF /MME du 10 décembre 2010 relatif à la commission technique de suivi du mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers au Togo ;
-  l’arrêté n°003 /MCPSP du 20 janvier 2011 portant mis en place d’un secrétariat de la commission technique de suivi du mécanisme d’ajustement des prix des produits pétroliers au Togo.

En outre, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’importation et la distribution des produits pétroliers sont deux branches bien distinctes dans lesquelles interviennent plusieurs acteurs.

De cette base juridique susmentionnée, se dégagent trois principaux organes qui sont chargés de gérer le secteur pétrolier :

-  le Comité de Suivi des Fluctuations des Prix des Produits Pétroliers (CSFPPP) ;
-  la Commission Technique ;
-  le Secrétariat de la Commission Technique.

En dehors de ces organes mis en place par le Gouvernement, qui jouent le rôle de régulateur du système, il existe d’autres acteurs, et pas des moindres, qui interviennent dans le secteur.
Il s’agit :

-  des traders ou fournisseurs organisés des produits pétroliers ;
-  des marketers chargés de la distribution des produits• par le biais de leurs stations-service ;
-  de la Société Togolaise de Stockage de Lomé (STSL) qui reçoit les produits issus de nos appels d’offres et ceux des pays de l’Hinterland ;
-  de la Société Togolaise d’Entreposage (STE), entrepôt fictif spécial destiné à la consommation locale de produits pétroliers.

Q2- Expliquez-nous alors, en termes plus accessibles à tous, le mécanisme d’approvisionnement ?

R2 : La réponse à votre question abordera deux aspects : l’importation et la fixation des prix.
L’importation des produits pétroliers est faite suite à une consultation restreinte lancée chaque trimestre au profit des traders officiellement reconnus sur le plan international et disposant d’une longue expérience en la matière sur la côte ouest­africaine (siège Londres), la zone d’approvisionnement usitée par les traders. Il existe d’autres marchés mais éloignés tels que :

-  la zone Amérique, Caraïbes et Pacifique ouest (siège New York),
-  la zone Asie et le reste du monde (siège Singapour).

Plus précisément, dans le cadre de l’approvisionnement de la République Togolaise en produits pétroliers, le Comité de Suivi de Fluctuation des Prix des Produits Pétroliers (CSFPPP) lance une consultation restreinte pour la sélection d’un fournisseur en vue d’un contrat Trimestriel de livraison de produits pétroliers à Lomé. La période de livraison couvre en général TROIS (03) MOIS.

Cette consultation restreinte (ou appel d’offres) est régie par les documents suivants :

-  les Termes de Référence ;
-  le modèle de « contrat d’approvisionnement en produits pétroliers » ;
-  les Annexes.

Pour les Annexes, il y en a sept (07) comme suit :
i) Spécifications togolaises des produits pétroliers
• Super Sans Plomb
• Gasoil
• Jet A1
• Pétrole lampant
ii) Modèle d’engagement de paiement
iii) Modèle de garantie de performance
iv) Modèle de notice de défaut
v) Historique des livraisons de produits pétroliers en Afrique de l’Ouest au cours des trois (03) dernières années.
vi) Modèle de garantie bancaire de soumission
vii) Modèle d’engagement de soumission.

La Commission de dépouillement choisira après étude, l’offre qu’elle jugera la plus avantageuse selon les critères de jugements d’ordre technique et financier.

L’adjudication du marché :

L’offre financière la moins-disante sur le différentiel fixe « B » de la consultation restreinte, sera retenue. Ce différentiel fixe « B » retenu reste valable pour toutes les livraisons du contrat.

Toutefois, il faut souligner que pour toute soumission, l’offre technique sera analysée avant l’offre financière. Toute offre technique qui n’est pas en adéquation avec les Termes de Référence, le modèle de contrat et les Annexes sera automatiquement éliminée sans ouverture de la proposition financière.

Seules les offres financières des soumissionnaires ayant été techniquement retenues, seront ouvertes et analysées.
L’adjudicataire retenu se charge d’approvisionner le Togo, en produits pétroliers sous deux conditions contractuelles

-  livrer ces produits et les faire stocker à ses frais dans les dépôts de la STSL ; lesdits produits restent la propriété du trader puisqu’aucun paiement en sa faveur n’est intervenu ;
-  les besoins exprimés en produits par les marketers (propriétaires des stations­service) leur sont livrés via la STE contre paiement des sommes dues.

En ce qui concerne la fixation des prix à la pompe, le rôle régulateur de l’État se joue à travers les trois organes mentionnés plus haut et se présente en trois étapes.
D’abord un travail technique est fait par le secrétariat de la commission technique en prenant en compte la valeur en douane des produits importés (CAF) et les lignes de la structure des prix des produits pétroliers fixées par l’État ;

Ensuite le résultat de ce travail technique est soumis pour validation à la commission technique composée des membres de l’administration, des acteurs privés du secteur du pétrole et de la société civile.

Enfin, ce document validé par la commission est envoyé pour approbation au CSFPPP composé

-  du ministre chargé du commerce, Président ;
-  du ministre chargé des finances, Vice-président ;
-  du ministre chargé des mines, membre ;
-  du représentant du Premier ministre, membre ;

Cette dernière opération du comité emporte la fixation des prix à la pompe des produits pétroliers sur la base d’un arrêté interministériel.
Il est très important de rappeler et de préciser que l’État régule le secteur en fixant les prix mais sans débourser de fonds pour l’achat des produits.

Q3- Le journal !’Alternative dans sa parution N°879 du 9 juin 2020, fait cas d’une mafia installée à la tête du secteur et engrange des milliards de profits sur le dos du contribuable. Que répondez-vous à cette affirmation ?

-  le Togo ne commande pas du pétrole brut ; or les éléments d’analyse utilisés par ce journal sont basés sur le marché du brut ;

-  les importations de produits raffinés se font sur la base de confiance mutuelle entre le trader attributaire du marché et l’Etat représenté par le CSFPPP sans paiement préalable ;

-  la livraison des produits aux marketers (propriétaires de stations-service) est assurée contre paiement aux traders fournisseurs.

Q4- Les dénonciations et les enquêtes publiées régulièrement par les médias et les actions des associations de consommateurs n’ont jamais réussi à ébranler ce réseau. Est-ce à dire que les réseaux opèrent sous le couvert et la bénédiction des autorités togolaises (le Gouvernement) ?

R4 : Le Gouvernement est soucieux du bien-être de la population et de bonne gouvernance et ne saurait donc tolérer une quelconque malversation dans la commande publique des produits pétroliers même si le Trésor public ne décaisse pas de l’argent. Le système tel que décrit plus haut reste perfectible et nous nous inscrivons dans la logique de l’améliorer, ce qui constitue pour nous aujourd’hui un chantier ouvert.

Toutefois des instructions sont données pour la poursuite des investigations et les portes du Gouvernement restent ouvertes à toutes preuves dignes de foi pour rétablir la vérité dans ce dossier.

Q5- Toujours dans son enquête, le journal l’Alternative parle d’un détournement de 400 à 500 milliards de FCFA par la famille ADJAKLY (Francis et Fabrice). Comment cette famille est-elle arrivée à prendre le monopole de la commande pour qu’on parle aujourd’hui de détournement ?

R5 : Jusqu’en 2008, les commandes de produits pétroliers se faisaient à tour de rôle par les membres du Groupement des Professionnels de l’industrie du pétrole (GPP). L’État s’est toujours limité à son rôle régulateur en fixant les prix à la pompe souvent en deçà des prix réels occasionnant des moins-values, qui sont des dettes envers les pétroliers.

Cette situation d’impayés a eu pour conséquence à terme la perturbation de l’approvisionnement de notre pays. Afin d’éviter une rupture totale, un trader fut sollicité. Ce dernier accepta et ce fut le début du contrat de confiance entre l’État et les traders pour la livraison des produits sans lettre de crédit de la part du Gouvernement, le paiement étant assuré par les marketers contre livraison des produits.

La situation telle que décrite plus haut a intéressé les autres traders et a poussé le gouvernement à instituer un mécanisme d’appel d’offres pour obtenir l’offre la moins-disante.

Q6-Connaissez-vous le groupe Vitol et quel est son secret à toujours gagner les consultations restreintes que lance le Gouvernement ?

R6 : Vitol est l’un des traders reconnus mondialement, présent sur notre côte ouest­africaine et qui livre aussi le Nigéria et le Ghana en produits pétroliers.

Aurait-il un secret pour gagner les consultations ? Cette question devrait être adressée au trader lui-même. Cependant, au besoin, un auditeur indépendant pourrait nous situer.

Il faut remarquer que sur toute la période allant de 2011 à ce jour, Vitol n’a pas été le seul gagnant des consultations restreintes. On peut citer d’autres traders comme Trafigura, Augusta Energy, SARPD Oil, Sahara Energy.

Q7-Quel est le rôle de la société d’intermédiation Management Hydrocarbure (MH) devenue plus tard Togo Phénix Corporation (TPC) dans le circuit de l’approvisionnement ?

R7 : L’expérience d’un compte séquestre sur lequel on versait les paiements des marketers en faveur des traders ayant présenté quelques insuffisances, l’idée d’une société privée garantissant les intérêts des traders a fait son chemin et a donné naissance à MH devenue plus tard TPC. Les fonds issus des ventes aux marketers sont payés à la société et en attente sur deux comptes ouverts dans deux banques commerciales pour être virés au trader attributaire.

Q8-Les nommés seront-ils poursuivis pour le détournement ?

R8 : Les investigations se poursuivent et toutes preuves sérieuses et suffisantes seront bienvenues pour faire toute la lumière sur cette affaire qui n’exclut pas une phase judiciaire si les faits sont avérés.

Q9 -On apprend aussi, que le père Francis ADJAKLY aurait quitté le pays suite à la publication de l’enquête. Nous sommes en pleine crise du Covid-19 et les frontières sont fermées, comment a-t-il quitté le Togo ?

R9 : L’ancien Coordonnateur du Secrétariat technique de la Commission M. ADJAKLY Francis est bel et bien au Togo et joignable.

Son fils Fabrice a bénéficié, quant à lui, d’une mise en disponibilité réglementaire d’un (1) an pour convenance personnelle. Il est susceptible de reprendre le travail en début du mois prochain.

Point n’est besoin de commentaires superflus.

Errare humanum est perseverare diabolicum.

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