« Le respect des mesures barrières pose un problème pour la rentrée prochaine » : Innocent Kagara
©liinformateur.net – 16 juin 2020 – 18h21 (Lomé)
La reprise des classes au Togo dans le contexte de la pandémie du coronavirus a imposé de nouveaux comportements. Par exemple, il n’est plus autorisé de dépasser 30 élèves par classe et ceux-ci doivent être disposés de manière à respecter une distance d’au moins 1 mètre entre eux. Si pour l’instant l’application des ces nouvelles règles ne devrait pas poser de problème dans la mesure où ce sont seulement les élèves des classes d’examen qui sont concernés, à la reprise normale des classes et dans la perspective que le virus ne soit pas encore totalement maîtrisé, il se pose la question de la distanciation sociale dans les classes. Dans la plupart des écoles du Togo, il est fréquent de voir les élèves s’asseoir par trois ou quatre dans un même banc. Les classes dépassant la centaine d’élèves le plus souvent. Cette situation amène le président de la commission de l’éducation au parlement à anticiper. Innocent Kagbara exhorte les autorités à réinventer d’ores et déjà le système scolaire. Ce dernier s’est confié à la rédaction de www.liinformateur.net
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www.liinformateur.net : Innocent Kagbara bonsoir, Le gouvernement a décidé de rouvrir les écoles uniquement pour les classes d’examen, est-ce que vous pensez que la pandémie est suffisamment maîtrisée pour rouvrir les classes ?
Innocent Kagbara : Merci pour l’occasion que vous nous offrez de nous exprimer sur un sujet crucial. Nous avons dit que nous devons reprendre une vie normale ; maintenant est-ce qu’il fallait rouvrir les écoles, je dirai oui, il fallait même rouvrir plus tôt. Il suffisait de prendre les dispositions pour permettre aux gens de respecter les mesures barrières et les activités pédagogiques auraient pu reprendre depuis une semaine ou deux. Maintenant le plus important est de savoir au niveau des écoles, est-ce que le réouverture a été bien préparée, est-ce qu’il y a eu une pédagogie pour que les gens comprennent ce qu’on attend d’eux ?
www.liinformateur.net : le président de la commission de l’éducation que vous êtes au parlement est-il satisfait des mesures qui ont été mises en place dans les écoles, on parle de distanciation d’un mètre, de port de masque obligatoire, de lavage de mains…, est-ce que ça vous satisfait ?
Innocent Kagbara : Nous sommes pleinement satisfait. Si vous aviez lu un peu nos interventions en début de cette pandémie nous avions préconisé de ne pas confiner le pays parce qu’on avait pas les moyens de confiner le pays. Nous, nous sommes un pays sous-développé et nous n’avons pas les moyens de confiner le pays, on devait laisser les activités économiques se poursuivre tout en insistant sur les mesures barrières et en les finançant ; parce que vous pouvez dire aux gens : écoutez, mettez une distance d’un mètre entre les élèves mais est-ce qu’ils ont les moyens de financer eux-mêmes ces mesures barrières ? Dans les écoles où un système de lave-mains est installé par le gouvernement, le système de distanciation sociale est en sorte qu’une classe de 40 élèves se retrouve à 20, on nous parle même des classes de 15 élèves ; est-ce que l’école a les infrastructures, est-ce qu’il y a assez de salles de classes… pour respecter ces mesures barrières. En réalité c’est comme ça que nous devons poser la question. Nous avons appris que le gouvernement a donné des bavettes à un certain nombre d’école avec des gels, mais l’école que nous avons visitée cette après-midi il n’y avait pas un système de lave-mains, donc c’est ce que nous déplorons. Est-ce que nous avons les moyens de financer l’ensemble de ces mesures sur l’ensemble du territoire ? C’est la question que je me pose.
www.liinformateur.net : en même temps il y a les écoles privées qui se plaignent d’être un peu en marge de tout ce que le gouvernement a mis en place, elles disent ne pas être prises en compte, quelle réaction ?
Innocent Kagbara : C’est une réaction mitigée. Je dirai à la fois qu’ils ont raison mais avons-nous les moyens de fiancer le système dans sa globalité, aussi bien le public que le privé ? Parce qu’il faut venir au secours également aux écoles privées parce que c’est un pan important, sans le privé l’école au Togo ne pourra pas se faire parce que c’est vrai que c’est un domaine régalien de l’Etat mais l’Etat ne peut pas. Donc peut-être qu’il faut apporter assistance, à concurrence de quoi ? Est-ce qu’il faut apporter des systèmes de lave-mains ? Le problème également des privés ce n’est pas tant l’application des mesures barrières c’est le moyens de pouvoir faire fonctionner l’établissement en termes de salaire, en termes de CNSS… parce que les gens sont restés à la maison pendant 3 mois, comment vous pouvez leur demander de reprendre les cours si les enseignants ne sont pas payés ? En reprenant uniquement pour les classes d’examen est-ce que les parents vont payer le reste de l’année pour les classes de passage ? Donc les promoteurs de ces écoles sont en difficulté, difficulté qui ne leur permet pas d’honorer les engagements par rapport aux enseignants. En réalité c’est là où se pose le problème, ce n’est pas tant rouvrir. On peut rouvrir en respectant la distanciation sociale en achetant un dispositif de lave-mains, on peut rouvrir.
www.liinformateur.net : est-ce qu’il y a, à votre avis, des mesures additionnelles qu’il fallait prendre pour davantage sécuriser cette reprise ?
Innocent Kagbara : Je pense que les mesures ont été prises mais avons-nous les moyens de financer ces mesures ? Ici à Lomé on se rend compte qu’il n’y a pas de système de lave -mains dans les écoles, est-ce que c’est à Djarkpanga ou dans Bafilo… comment ça va se passer à l’intérieur du pays ? En réalité c’est ça le nœud du problème. Mais est-ce qu’il fallait encore plus attendre, je ne crois pas, parce que pour sauver l’année il fallait redémarrer. Maintenant vous savez, dans ce genre de cas vous commencez et puis vous avisez, les difficultés ne vont pas manquer, donc sur le terrain vous verrez comment il faut réajuster pour que d’ici une semaine ou deux qu’on puisse régler les difficultés que nous avons rencontrées ces premières semaines. aujourd’hui c’est le premier jour, donc observons jusqu’à la fin de la semaine et on verra.
www.liinformateur.net : avec l’ouverture des écoles, on peut passer à celle des églises et autres ?
Innocent Kagbara : Oui je pense que les gens connaissent suffisamment la maladie, ils ont assez d’informations donc en respectant les mesures barrières également dans les églises je pense qu’on peut rouvrir les églises ; mais quand ? Il revient au ministère de tutelle de fixer la date et les conditions de réouverture parce qu’il ne suffit pas de rouvrir il faut que les acteurs prennent l’engagement d’appliquer les mesures barrières et de financer ces mesures barrières, parce que est-ce que nous allons installer des systèmes de lave-mains devant les mosquées et les églises ? Est-ce que dans le lieu du culte, la distanciation sociale d’un mètre peut être respectée ? Ça nous amène même à réinventer notre société ; au niveau des écoles nous ne pouvons plus avoir des effectifs pléthoriques donc ça nous amène à réinventer notre système de santé, ça nous amène à réinventer notre système éducatif. Le respect des mesures barrières même pose un problème pour la rentrée prochaine. Là où il y avait des cantines scolaires, comment ça va se faire, comment respecter les mesures barrières ? Nous devons commencer même à envisager la rentrée prochaine en réfléchissant voir quelles sont les dispositions qu’il faut mettre en place pour pouvoir rouvrir mais vraiment dans de très bonnes conditions pour la rentrée prochaine.
www.liinformateur.net : Innocent Kagbara merci
Innocent Kagbara : C’est moi qui vous remercie !
Interview réalisée lundi 15 juin