Sénégal/Tchad : mettre fin au partenariat militaire sans rompre les relations avec Paris

©liinformateur – Coup dur pour la France, dans la même semaine au moins deux pays d’expression française ont annoncé rompre le partenariat de défense avec la France. Le Sénégal et le Tchad ont décidé de mettre un terme à l’accord de défense qui les liait avec l’ancienne métropole. Pour ces deux pays, cette décision se justifie par le souci de retrouver leur souveraineté militaire et de diversifier leur partenariat en matière de défense. Mais les raisons profondes pourraient être ailleurs.

Depuis quelques années c’est vraiment le désamour entre Paris et ses ex-colonies, du moins en matière militaire. La France qui a toujours disposé de bases militaires dans de nombreux pays africains, voit désormais son périmètre d’action se réduire comme peau de chagrin. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, c’est au tour du Tchad et du Sénégal d’annoncer une rupture de leur partenariat militaire avec Paris. La nouvelle a fait l’effet d’un électrochoc au sommet de l’Etat français.

Si l’annonce par le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye n’a pas vraiment surpris Paris, celle de N’Djaména cependant a pris tout le monde de court. Quelques heures seulement après le départ du chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot, qui était en visite au Tchad, le pays annonce la rupture de son partenariat de défense avec la France. Que s’est-il passé entre temps pour que le Tchad, grand allier de la France en Afrique central, décide d’en arriver là ?

Rien ne laissait présager une telle décision de la part de N’Djaména. Les autorités militaires étaient en bon termes avec la France, le président Emmanuel Macron a d’ailleurs été le premier chef d’Etat européen à avoir adoubé le pouvoir de Déby fils au lendemain de son arrivée au pouvoir après la mort de son père. Mais cette lune de miel semble être terminée, le Tchad ne veut plus de base militaire française sur son sol.

Au Tchad la France dispose d’au moins une importante base militaire dans la capitale et de deux garnisons dans le nord et l’Est du Tchad qui lui assuraient une présence stratégique dans la région. Elle est d’ailleurs intervenue à plusieurs reprises pour éviter au pouvoir Tchadien d’être renversé par les rebelles qui utilisent la Libye comme base arrière. En décidant de rompre cette coopération militaire, le Tchad s’est sans doute assuré les arrières.

Renforcement de coopération avec la Russie !

Même si les autorités Tchadiennes ont pris soin d’affirmer que la rupture de coopération militaire avec la France n’est pas un remplacement d’un maître par un autre, la visite en Russie, en janvier 2024, du président Tchadien Mahamat Idriss Déby, suivie en août dernier de celle du ministre des Affaires étrangères Russe Sergueï Lavrov au Tchad en disent long. Le Tchad semble disposer à renforcer son partenariat avec Moscou dans un contexte de lutte contre le terrorisme. Ce rapprochement n’est pas vu d’un bon œil par Paris.

Si à N’Djaména on place le rapprochement avec la Russie sous le sceau des liens culturels et médiatiques, nul n’est dupe en occident où on craint de revivre le scénario des trois pays du Sahel où la France a dû retirer toute présence militaire.

Burkina, Mali, Niger… une histoire qui se répète pour la France

Dans les trois pays du Sahel, en moins de deux ans seulement, la France a dû totalement plier bagage sur fond d’accusation d’inaction dans la lutte contre le terrorisme. Avec une présence de plusieurs années et d’importantes troupes, le terrorisme n’a fait que gagner du terrain dans ces pays qui ont été obligés, avec l’arrivée au pouvoir des militaires, d’exiger et obtenir le départ de l’armée française.

A N’Djaména on assure ne pas s’inscrire dans ce scénario. Le Tchad dit vouloir respecter le calendrier de départ de l’armée française, mais il s’agit bien d’un départ. La même situation se pose à Dakar où l’armée française va devoir partir. Avec ces départs, il ne restera plus que deux bases militaires à la France en Afrique francophone notamment au Gabon et en Côte d’Ivoire. La dernière se trouvant à Djibouti.   

Dans les pays concernés, les populations interrogées saluent la décision de leurs autorités de rompre les relations. La France semble payer sa politique extérieure qui a longtemps consisté à intervenir dans les affaires intérieures des Etats. Même si le Sénégal et le Tchad assurent que la fermeture des bases militaires ne signifie pas une rupture de coopération, il va sans dire que la forme des nouvelles relations va devoir être discutée. Paris n’étant plus en position d’interlocuteur privilégié.

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